Elie et l'apocalypse : les trois Sages

Publié le par Leussain

Elie et l'apocalypse : les trois Sages

C'est par Zone Franche, un de ses romans de jeunesse, que j'ai découvert l'écriture ciselée d'Elen Brig Koridwen.et son nom à coucher dehors (connaissant le zèbre, ça ne m'étonnerait même pas que ce ne soit pas un pseudo).

Charmé, je me suis très vite attaqué à la première partie de sa saga, Elie et l'apocalypse, un véritable pavé virtuel suffisant pour décourager n'importe quel lecteur novice. Dès les premiers chapitres, j'ai été assailli par l'impression de lire un "Harry Potter pour grandes personnes", ce qui n'est absolument pas péjoratif vu tout le bien que je pense de JK Rowling. Sur le fond, on retrouve la trame assez classique de l'élu(e) qui traverse diverses épreuves l'amenant à s'accomplir.

Là où Elen Brid Korigwen frappe fort - et ceux qui me connaissent un peu sauront pourquoi j'exulte -, c'est en substituant aux forces du Mal désincarnées des sectes terroristes issues des trois grandes religions monothéistes. Du coup, le coté manichéen, dont l'auteur force le trait jusqu'à la caricature, passe franchement bien et est réjouissant, et ce sont d'ailleurs les personnages les plus savoureux (mention spéciale pour la méchante qui ne porte que des manteaux de fourrure d'espèces en voie de disparition). L'intrigue trouve ainsi une résonance particulière dans l'actualité, et je déplore que l'auteur n'ait pas eu un peu plus la dent dure, comme cette appendicectomie expresse effectuée par un cyberchirurgien sur un extrémiste.

Le travail de documentation pour la réalisation de ce très long roman laisse pantois. Si on pense parfois au Da Vinci Code du tâcheron Dan Brown, on rejette bien vite cette idée coupable tant l'érudition de l'auteur est tantôt digne d'un théologien, d'un historien ou d'un physicien nucléaire. Mieux, la façon dont Elen Brid Korigwen imbrique toutes ses références trahit une intelligence supérieure - supérieure par rapport à ses congénères femelles, hein...

Hélas, comme le personnage principal dans son labyrinthe, je me suis peu à peu perdu dans cette quête initiatique. Plus adapté au grand public que Zone Franche ou Marges Forcées, je n'ai que partiellement retrouvé le style flamboyant et délicieusement désuet de l'auteur. Le bombardement de participes présents - c'est peut-être un détail pour vous, mais pour moi ça veut dire beaucoup - a fini par altérer mon plaisir de lecture.

Passionnante dès qu'elle traite d'histoire de l'art ou de religion, de science ou de théologie comparée, Elen Brid Korigwen m'a en revanche assommé dès qu'elle disserte d'ésotérisme et de philosophie métaphysique. D'autant qu'elle dilue son écriture de façon quasi homéopathique, et ce même dans les quelques scènes d'action. Ainsi, je me suis parfois ennuyé, paradoxalement, lors de l'interminable assaut du château et les allers-retours des personnages, et le long, trop long épilogue. Tout cela mériterait d'être élagué.

Il n'empêche que la profonde humanité qui transpire de ce roman, et l'originalité foncière qui s'en dégage, remportent manifestement tous les suffrages. Quelques coups de serpette, (je sais ce que c'est, en tant qu'auteur, c'est comme amputer son enfant) et ce roman gagnerait paradoxalement en souffle épique.

Publié dans critique livre

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E
Merci, cher Frédéric, pour cette fine analyse. J'étais sûre que ton avis vaudrait son pesant de moutarde ! Je sais qu'il y a des longueurs, mais tout le monde ne percute pas comme toi à la vitesse de la lumière, et je ne veux perdre personne en route, parce que c'est parti pour 9 tomes en tout ! Et rassure-toi, le ton va se durcir au fur et à mesure... Déjà, le début du tome 2 devrait t'en donner un aperçu. En tout cas, je suis flattée, car je n'aurais jamais cru que ce genre de roman saurait retenir ton attention. Tu es aussi un zèbre atypique et paradoxal...
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