Une entrevue avec Bastien Pantalé.
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Bangeourre. Tu te souviens de Bastien Pantalé ? Cet écrivain de science-fiction un poil trop métaphysique à mon goût, mais bourré de talent ? Mais si voyons, je t'en ai parlé, et en bien encore, c'est assez rare pour être souligné. Le gazier a accepté de répondre à quelques questions, et dévoile un peu plus le voile de mystère qui recouvre la condition d'auteur indépendant. Je parle en mon nom quand j'affirme qu'il ne parle pas qu'en son nom, et que cette entrevue virtuelle lui a servi de catharsis et de laxatif.
> Comment es-tu tombé dans ce nid de serpent qui termine le parcours du combattant de l'auteur autoédité ?
Tout d’abord, merci de me permettre de m’exprimer à travers cette interview. Les occasions sont bien trop rares, et les idées défendues dans un écrit pas toujours perçues à leur juste valeur.
Début 2014, après de longues années de galère dans ma vie professionnelle et privée, je me suis dit : “Bon, il s’agirait de faire quelque chose de ta vie. Qu’est-ce que tu sais faire ? Pour quoi es-tu doué ? Qu’est-ce qui te fait du bien ?” L’écriture m’est apparue comme la seule réponse pertinente, et même si elle ne me nourrirait pas, elle apporterait au moins un sens et une orientation à ma modeste existence.
Je me suis donc lancé dans une entreprise qui me paraissait titanesque - la rédaction de L’Eveil, mon premier roman - en laissant véritablement mes idées me porter. Ce n’est qu’en posant le point final que j’en ai conclu : “Ah bah oui, c’est faisable finalement !”
Devant quelques refus de la part de mercantiles maisons d’éditions, mon précieux cousin - Jérémie Lebrunet, lui-même auteur de nouvelles de science-fiction (de qualité) - m’a conseillé l’autoédition via KDP (édition au format Kindle d’Amazon). Hop ! Aussitôt dit, aussitôt fait. Mon livre était parti sur la toile… L’idée première étant de partager mes écrits, mes idées, de procurer un peu d’évasion (et de réflexion) aux lecteurs ; je suis plutôt heureux d’avoir pris cette décision.
> Quelle est la principale difficulté de l'autoédition, et de ne pas être écrivain professionnel ?
Bien que je ne vive pas de mes publications, et que je travaille à temps partiel dans une multinationale, je considère que mon métier est bel et bien celui d’auteur (pas “écrivain” hein, ça c’est pour ceux qui ont croisé la route du succès). Donc parlons plus de passion, ou de mission, que de profession !
La principale difficulté est sans hésitation la promotion de nos ouvrages. En effet, nous nous donnons un mal fou pour produire quelque chose de qualitatif ; les lecteurs ont d’ailleurs rarement idée de la masse de travail, des heures/jours/mois/années qu’il y a derrière ces “histoires” qu’ils consomment parfois comme on grignote un paquet de chips (raison pour laquelle ils ne prennent que trop rarement le temps de nous laisser un commentaire). Si nous faisons le choix plus ou moins conscient de ne pas nous laisser dépérir, de “travailler” pour “gagner notre vie”, d’accorder un peu de temps à nos familles, nos conjoints, nos autres loisirs pourquoi pas, de nous occuper de nos problèmes de santé… alors c’est vrai qu’il reste peu de place à la promotion. Les seuls réseaux sociaux ne suffisent pas, et à force de “spamer” les multiples groupes FB ouverts au partage de livres, nous perdons en crédibilité et en audience (j’en sais quelque chose). De la même façon, les séances de dédicaces et autres salons demandent du temps de préparation et de la disponibilité (j’entame tout juste mes premières démarches). La promotion est donc à mon sens le point faible de l’auto-édition - et la seule raison d’exister des éditeurs professionnels.
A contrario, le principal avantage de l’auto-édition est la liberté de rester intègre (dans le contenu de nos livres, j’entends)
> L'ebook, c'est le nouvel Eldorado ?
Mwahahah ! Combien d’auteurs édités vivent de leur plume ? Et sur Amazon ? Encore moins. Si l’on devait faire un ratio, je crois qu’on serait en dessous du taux de lecteurs qui commentent les livres qu’ils achètent, c’est pour dire.
Non, sérieusement, c’est une aubaine pour se faire connaître, pour se lancer, comme une première étape vers… autre chose. On “ose” publier son e-book, parce que c’est peu coûteux, accessible (même pour les nœuds-nœuds du numérique tels que moi). Mais sans un buzz détonnant et quelques critiques relayées par des contacts de poids, le meilleur des textes aura du mal à sortir de ce bazar gigantesque. Si on veut être lu, on brade nos titres ; si on veut être riche, il vaut mieux chercher ailleurs (même si je garde espoir de réussir un jour à émerger de cet agglomérat fertile)
> Avant de pouvoir cerner l'auteur, il faut cerner le lecteur. Quel genre de lecteur es-tu ? Quels sont les auteurs qui ont tes faveurs, quel est ton genre de prédilection, et combien de livres par an lis-tu en moyenne ?
Ahah :D Trop de questions là… J’ai oublié la première. Ah oui, moi : lecteur !
Je suis devenu un lecteur assidu en même temps que j’ai commencé à écrire. C’est donc très récent ; enfant, je lisais un livre de temps en temps, si quelque chose me tombait sous la main. Aujourd’hui, je LIS, dans le sens le plus large du terme : je profite non-seulement du voyage que m’offre l’auteur(e), mais mon écriture se nourrit de ce qui me passe devant les yeux. J’appréhende vraiment ce qu’il ou elle a voulu partager, ses idées, ses émotions, son mal-être aussi. En gros, je lis comme j’aimerais être lu, avec empathie, tolérance et compréhension.
En ce moment, la science-fiction me plaît beaucoup, du moment qu’elle nous fait réfléchir de façon positive à la place que nous occupons ainsi qu’à nos actes. J’ai d’ailleurs découvert Frank Herbert et son atmosphère “étrange” avec un réel bonheur. Bernard Werber m’a évidemment éveillé aux beautés de l’imaginaire. Les récits d’aventure aussi, où l’Homme se surpasse et dévoile ses facettes cachées, capacités latentes, etc. De Jules Vernes à Théophile Gautier pour les “classiques”, d’Anna Gavalda à Dan Brown pour les modernes, en passant par René Barjavel, sans oublier l’incroyable tour de force que m’a fait vivre Patrick Süskind avec Le Parfum. Mais ce sont plus des œuvres en particulier qui me retiennent, que l’auteur lui-même ; des livres comme Into The Wild par exemple m’ont véritablement fait décoller. Certains auteurs autoédités valent vraiment le détour, mais si je ne devais en citer qu’un, ce serait sans conteste Iom Kosta, avec son Cycle des Anges Gaïens. Je me refuse à en dévoiler le contenu, ces livres doivent être découverts personnellement, mais ils sont pour moi la référence actuelle que tout le monde devrait avoir lu !
Si je devais faire une moyenne, romans et nouvelles confondus, et en choisissant scrupuleusement les œuvres, je dirais que j’en lis un quinzaine par an (sans compter ceux que je commence mais qui ne retiennent pas mon attention, ce qui est plutôt rare)
Je me rends compte de plus en plus que nous sommes en réseau, que le contenu de nos livres ne nous appartient qu’en partie ; seule la structure et la forme (l’habillage en quelque sorte) sont le fruit de notre savoir-faire, les idées, elles, sont universelles, nous les partageons avec des artistes d’aujourd’hui comme d’hier, et elles seront reprises sous d’autres formes par des créateurs de demain. Ces idées nous touchent à un moment précis, un moment où nous sommes capables de leur donner vie, pour tisser quelque chose de plus grand qu’un simple livre. Loin de moi l’envie de passer pour un illuminé, mais je crois sincèrement que nous baignons tous dans cette richesse, ce flux constant de savoir et de vérité, nous en sommes à la fois les gardiens et les développeurs… il s’agit là de notre bien le plus précieux.
> Présente-nous tes bouquins.
Voilà, alors là on attaque la partie qui est la plus délicate pour moi.
L’Eveil est un roman qui s’appuie sur une enquête policière des plus classiques, et qui grâce à elle, développe le thème de la découverte sensorielle. Les personnages sont vrais, psychologiquement “fouillés”, pour reprendre le terme d’une lectrice, et naviguent entre souffrance et optimisme. Il y a une belle part autobiographique dans ce livre, mais suffisamment disséminée pour que le personnage principal développe sa propre personnalité. Certains y ont vu de la “romance”, d’autres une “intrigue bien ficelée”, ou encore un “thriller surréaliste”. Moi, je n’aime pas les cases, alors faites-vous votre avis ! Ce qui est certain, c’est que les lecteurs n’appréciant que modérément la description s’y ennuieront, car tout repose sur la facultés d’observation d’Ethan.
Le Baptême du Soleil et L’Echo Primordial composent quant à eux les deux premiers tomes du Cycle Ascendance. Ces romans de science-fiction partent loin, très loin… j’ai même eu du mal à les suivre… Je perçois cette aventure comme une odyssée fantastique, qui, en premier lieu, est destiné à faire voyager le lecteur, et qui suggère (en sourdine) une prise de conscience globale. J’y aborde de façon tout à fait légère des sujets comme l’évolutionnisme, le créationnisme par exemple, et recherche un éveil - aussi bien personnel que pour mes lecteurs - sur des notions métaphysiques, quelques fois philosophiques, environnementales, etc. Vous y trouverez donc une bonne part de spiritualité, de l’aventure, un peu d’amour, beaucoup d’imagination, ainsi que des valeurs que j’ai voulues saines.
> Depuis quand écris-tu ? Et de quoi parlait la première histoire sortie de ton cerveau ? Un extrait ?
Comme dit plus haut, depuis janvier 2014. Avant cela, mes écrits se bornaient à mes rédactions de Culture Générale et à des courriers suivis avec ma grand-mamam ;)
> Décris l'environnement dans lequel tu écris.
Peut-être est-ce la fatigue inhérente à mon état de santé ou une habitude décennale, mais j’ai besoin du calme le plus absolu pour réussir à me concentrer et à écrire. Donc en ce qui concerne la phase de production, pas de musique, de drogue ou d’alcool, le moins de divertissement possible… je fais l’ermite.
En revanche, l’imagination vient me cueillir à n’importe quel moment, sous la douche, quand je n’ai rien pour noter, au fil d’une discussion, mais beaucoup plus souvent au coucher, lorsque le sommeil me cherche mais que je ne suis pas dispo. Comme j’ai pu le mentionner plus haut, les idées se mettent à ma portée lorsque je suis inconsciemment disposé à les accueillir, certaines substances pouvant favoriser cet état. Il convient alors de prendre quelques notes, des mots-clefs par exemple, afin de les exploiter plus tard (ou, pour les meilleurs d’entre nous, de les garder en mémoire ; mais je n’ai pas cette faculté)
Pour parler plus largement, mon environnement familial me soutient, mes parents et ma partenaire de vie savent qu’écrire me fait du bien. L’environnement sociétal quant à lui, peut aussi bien me motiver quand il me met en colère, ou m’enfoncer très profond quand il me fait perdre confiance en l’humain. Et pour finir, l’environnement naturel me tend bien souvent des filins de sécurité qui me permettent de remonter à la surface !
> Quels sont les thèmes qui te tiennent à cœur ?
Au risque de paraître gnangnan, tout ce qui a trait aux valeurs humaines, essentielles, originelles me tient à cœur. Cela passe aussi bien par le respect de la vie, y compris celle de notre écosystème (on est mal barrés hein ?), la tolérance face aux croyances diverses et aux différences multiples, l’amour (dans son acception la plus large), et, une fois passé ce premier stade, l’accession à un état d’éveil généralisé, une ouverture à la richesse des possibles, à la connaissance par l’imagination comme j’aime la nommer, et enfin, la recherche de la Sagesse, pas dans le sens où l’entend notre société nécrosée, mais dans le sens universel que l’on pourrait donner à ce terme, par notre intégration entière et symbiotique à la globalité.
Si tout cela peut paraître abstrait, c’est parce que notre espèce s’est depuis longtemps affranchie de ses attaches à la Terre, aux éléments, et au cosmos ; l’Homme n’est plus à l’écoute de rien et il lui faudra un terrible électrochoc pour reprendre les bases de cette Sagesse. J’en suis moi-même aux balbutiements de cet éveil spirituel, et c’est toute une vie dont j’aurais besoin pour ne serait-ce qu’entamer ce parcours, cette initiation, que d’autres décideront de suivre à leur tour.
Le thème des “Possibles” m’est donc essentiel, vous l’aurez compris. Nous devons à tout prix retrouver ces facultés d’écoute et de ressenti afin de ne plus limiter nos croyances et notre vision du monde à ce que nous sommes capables de percevoir physiquement (ou à ce qu’on nous inculque). Les possibilités sont au-delà de l’imagination la plus fertile, reste à trouver les outils de cet éveil collectif.
Et sinon, pour rester plus terre-à-terre, j’aime développer les grands mystères de notre monde, comme celui des pyramides autour duquel s’articule le Cycle Ascendance. J’aime aussi rappeler que l’éducation de nos marmots conditionnera toujours l’orientation de notre espèce, qu’elle devrait par conséquent être au cœur de nos préoccupations. Arrêtons de brider les aspirations élémentaires inscrites en chacun d’eux ! Formons-les le plus naturellement possible à devenir penseurs, acteurs et décideurs de leur avenir, au lieu d’en faire des consommateurs en puissance. Apprenons-leur à regarder au-delà des choses, réapprenons à vivre sur le long terme !
> L'autoédition, ça rapporte ? Fais-nous rêver.
Ça rapporte des admirateurs par légions, des courriers parfumés de groupies, des contrats juteux dans des maisons d’édition… des nèfles ouais. J’ai peut-être fait le mauvais choix en décidant d’écrire et de développer des thèmes plus ou moins sérieux, des choses qui ne passionnent pas forcément les foules. Peut-être m’essaierai-je un jour à la romance, ou à l’érotisme, mais pour le moment, j’ai vraiment des choses à dire !
Concrètement, j’ai réalisé quelques bons mois lorsque je me suis lancé, sans pour autant dégager un SMIC attention, mais c’était plutôt encourageant. Aujourd’hui, il peut se passer un mois entier sans que personne ne télécharge mes livres… hé oui !
Cela-dit, et certains auteurs auto-édités ne me contrediront pas, si l’on applique une recette qui a fait ses preuves, on peut s’installer durablement dans le paysage littéraire et voir ses droits d’auteurs faire des petits. Tout est possible ! En toute honnêteté, parmi les auteurs qu’il m’a été donné de lire, les plus pertinents, talentueux, et ceux possédant de vrais styles ne sont pas les mêmes que ceux qui vendent des livres.
> Qu'écris-tu en ce moment, ou quel projet mitonnes-tu ?
J’ai repris il y a peu un thriller un peu glauque commencé début 2015. Nous sommes loin de mes divagations science-fictionnesque, mais vous y retrouverez tout de même un petit quelque chose sur le principe du “Et si ?” La trame est là, bien présente, et ne demande qu’à être couchée sur le clavier. J’ai malheureusement du mal à me dégager du temps et à rendre mon esprit disponible pour l’écriture ; ça avance donc lentement mais sûrement.
Le tome 3 du Cycle Ascendance se construit progressivement, alimenté sans cesse par mes lectures, les discussions avec mon alliée éveillée, et plus rarement, par des fertilisants naturels.
J’ai trouvé ma mission, et même si elle ne paie pas le loyer, je m’y emploierai du mieux que je peux.
Diffusez vos idées !