Le Ténébriarque, les Versets du Dernier Soupir, chapitre 6
Nous vîmes déferler par le nord ce raz-de-marée de ténèbres, lancé vers nous à la vitesse d'un cheval au galop. Nous l'avions vu grandir, grossir au fil des heures, et ce que nous percevions maintenant comme un mur si haut que nous n'en pouvions juger la dimension, n'était qu'une sphère en pleine expansion, le Sombredôme avant qu'il n'englobe toutes les Terres de Cendres.
Une vive controverse éclata entre nous ; roturiers, soldats et gens de la noblesse parlèrent pour la première fois véritablement sur un pied d'égalité, car devant les catastrophes naturelles tous les hommes sont égaux. Fallait-il fermer les portes du château pour nous prémunir de l'inconnu ? Cette masse noire de pure noirceur qui menaçait de nous engloutir, nous submerger – nous dévorer peut-être ? – ne risquait t-elle pas de nous piéger à l'intérieur du château comme de vulgaires souris ? Finalement, tout le monde se tut et trois-cent-cinquante visages terrifiés se tournèrent vers moi en quête de réponse. J'étais jeune encore, et je ne connaissais à l'art de la guerre que ce qu'on m'en avait enseigné, cependant tous mes gens parurent estimer qu'ils pouvaient me confier leur bien le plus précieux : leur vie et celle de leurs enfants. C'était une responsabilité écrasante, mais de par mon rang, je me devais de l'assumer. Pour la première fois depuis vingt-deux ans, je n'étais plus le bâtard de quiconque.
Des décisions que j'allais prendre dépendait notre sort à tous. Je criai de fermer toutes les portes, de hisser le pont-levis, et d'allumer toutes les torches que l'on pouvait trouver. « Ferrailleurs ! Main à la fusée ! Archers ! Engagez une flèche ! Que tout le monde ! homme, femme, enfant, vieillard ! que chacun se tienne prêt à défendre sa vie ainsi que celle de ceux qu'il aime ! »
Le soleil était encore haut sur l'azur et n'aurait dû laisser sa place à la nuit qu'après un lent et familier déclin, pourtant, tout à coup, en un claquement de doigt, les ténèbres nous prirent, et il n'y eut plus guère que les dérisoires torchères à porter un peu de lumière jusqu'à nos yeux. Les mots durs de mon père, prononcés la veille, résonnèrent en moi, prophétiques. « Va donc te perdre en enfer. » Et bien si je n'étais pas allé m'y perdre, l'enfer était venu jusqu'à moi. Je ne revis plus le disque chaud du soleil avant quarante-sept jours, et une seule très longue nuit.
Arthur Orhinios, Mémoires d'un éternel jouvenceau, 47
VI. Souvenirs empruntés.
Ne sachant pas si son père s'y trouvait, Ariandreau entra chez lui avec toute la circonspection que commandait une âpre expérience de la violence domestique, l'air piteux et pitoyable, plus crotté et puant que le cochon qui avait bien failli le dévorer. Sa mère s'activait à finir de préparer le dîner et ne lui prêta tout d'abord qu'un coup d’œil furtif. Une délicieuse odeur de pâte brisée et de cannelle flottait dans la petite chaumière. Lunabel Halguevair avait cuisiné un de ses plats fétiches : une tourte au poulet et à la confiture de gratte-cul, qu'un peu de graisse d'oie suffisait à rendre fondante.
Le garçon loucha vers la tourte aux reflets mordorés qui refroidissait sur la table en dégageant un fumet ensorcelant. Le chou à la crème qui lui avait échappé avait ouvert en grand les vannes de son appétit. Ce furent les gargouillis de son estomac au supplice qui firent se retourner sa mère Lunabel.
« Ah, te voilà mon chéri. Justement, je t'attendais pour... » Les sourcils de la jeune maman s'arquèrent. « Mais... dans quel état t'es-tu mis, jeune homme ? » Lunabel mit les poings sur ses hanches et s'arrangea une expression furibonde. Elle se donnait beaucoup de mal au quotidien pour simuler une autorité naturelle qui lui manquait. Ravissante et élégante malgré le modeste budget vestimentaire du foyer, son visage ovale mais creusé accusait dix ans de plus que les vingt-six qu'elle revendiquait. Les violents conflits avec son mari, l'épuisement au travail et les quelques soucis occasionnés par son petit garçon, avaient prématurément fané la fraîcheur de ce joli bout de femme et froissé son beau minois de pattes d'oies et de rides du lion renforçant son air mélancolique.
« Crois-tu que je n'ai pas assez à faire toute la journée sans que tu m'apportes un surplus de travail ? » Ariandreau baissa la tête, honteux. Sa maman avait raison d'être en colère. Elle assurait à elle seule leur subsistance à tous les trois, et s'occupait seule de la majeure partie des corvées. Les quelques travaux de couture qu'on lui confiait leur permettaient tout juste de vivre dans la dignité, et ce qui restait du produit de son labeur finissait dans les poches des patrons de la Halte Courtoise, dilapidé par Daniel Halguevair en vin et en bière.
Lunabel s'accroupit afin de se mettre au niveau de son enfant. Son expression se radoucit. Elle était d'une nature trop tempérée pour rester longtemps fâchée. Elle tira doucement sur une mèche des cheveux d'Ariandreau miraculeusement épargnée par l'immondice. « Que s'est-il passé ? Et pas de menteries... Un bon fils ne doit et ne peut rien cacher à sa mère ! Nous avons un sens spécial pour cela, nous les mamans. »
Ariandreau avait pris l'habitude, depuis quelques temps, d'arrondir les angles, de déformer la vérité, de travestir les faits à son avantage, et, depuis plus récemment encore, de faire dans l'invention pure et simple. Il ne mentait point par vice, par commodité ou par plaisir, certes non, mais pour épargner du chagrin à sa mère, qui avait déjà fort à faire avec son coquin de mari. Aucune mère ne voulait voir son enfant rejeté et mis à l'écart. Aucune mère, se disait parfois Ariandreau, n'eût voulu d'un enfant comme lui, lent et infirme. Et pourtant, rien n'était plus sûr que le fait qu'elle l'aimât.
« C'est encore Nieule et sa bande qui t'ont fait tourner en bourrique, n'est-ce pas ? » Ariandreau acquiesça, incapable de redresser le menton et d'affronter les yeux tristes de sa mère. « Il a dit... il a dit que si j'étais assez brave pour monter sur le dos du seigneur Souron, il me donnerait un gâteau que son oncle lui a ramené de la ville... Alors, ben... je l'ai fait. Je voulais leur montrer que j'étais pas un poltron.
– Et si Nieule t'avait demandé de boire toute l'eau de la rivière, tu l'aurais fait ?
– Sûrement que non... », répondit le petit garçon, se sentant de plus en plus ridicule.
Sa mère avait parfois le don de mettre les gens mal à l'aise en les plaçant en face de leurs faiblesses. Même lorsqu'elle subissait sans broncher les tempêtes d'humeur de son mari, elle ne baissait jamais les yeux, attitude qui lui valait plus souvent qu'à son tour un revers de gifle. Lunabel soupira. « Bon. J'irai dire deux mots à la mère de ce gamin. C'est une brave femme, quoi qu'on en dise. Et s'il le faut, j'irai tirer les oreilles de ce chenapan si fort qu'il ressemblera pour de bon à l'âne bâté qu'il est sous sa peau d'enfant. Allons, déshabille-toi, tu vas te laver au baquet.
– Avec de l'eau chaude ?
– Et puis quoi encore ? Je n'ai point le temps d'en faire chauffer. Il va falloir te contenter de l'eau froide, j'en ai peur. Il fallait y penser avant de te vautrer dans la fange, petit cochon ! »
L'eau fraîchement tirée du puits était glacée. Le contact de la guenille humide avec sa peau nue saisit Ariandreau. Il se tétanisa et lâcha un petit cri de surprise en étouffant un des quelques jurons qu'il avait à son vocabulaire, et qu'il devait à son père – c'était là les seules choses que ce dernier lui eût enseigné. Il entra dans le baquet en grelottant et en pleurnichant.
« Maman, dit Ariandreau, pourquoi les gens sont si méchants entre eux ? À quoi ça leur sert ?
– Ça, fit Lunabel en frictionnant vigoureusement son fils debout, c'est une question dont j'aimerais bien avoir la réponse. Peut-être qu'ils croient qu'ils auront plus facilement ce qu'ils veulent. Ce que moi je crois, c'est qu'on ne naît ni bon ni mauvais, et qu'on le devient plus tard, en faisant des choix, et aussi en subissant les choix des autres.
– Je comprends pas. Tu veux dire que c'est pas de leur faute si y sont méchants ?
– Certaines personnes agissent ainsi parce que c'est la seule manière qu'ils ont trouvé de se protéger. Ils attaquent avant d'être blessés en premier. Ceci dit, Ariandreau, ce n'est pas une raison pour laisser ces brutes s'en prendre à toi. Tu dois apprendre à te faire respecter, sans user de violence. Bien utilisés, les mots peuvent être une arme redoutable. Il y a des guerres qui auraient pu être évitées après quelques bonnes explications entre souverains.
– Alors, si on peut tout arranger rien qu'en parlant, pourquoi tu fais pas ça avec l'autre quand il te donne de la main ? »
Ariandreau regretta aussitôt ces paroles qu'il avait chargées d'un fiel qui ne lui était pas destiné. Il détestait son père, bien sûr, mais il ne voulait surtout pas blesser sa mère, qui par fierté ou pour ne pas l'inquiéter, ne pleurait jamais devant lui. Malgré le calvaire quotidien que Daniel Halguevair faisait endurer à la couturière, cette dernière voulait encore croire qu'ils formaient tous trois une famille soudée, que le pauvreté dans laquelle ils s'enfonçaient chaque jour un peu plus ne pouvait altérer. Si Lunabel pêchait, s'il était quelque chose à reprocher à cette femme, c'était bien cet excès de mansuétude, un état de longanimité, de bonté outrée, qui la desservait, elle et son fils. Cela n'échappait pas à Ariandreau.
« Penche la tête », dit Lunabel, puis elle versa un broc d'eau sur la tête du garçon et celui-ci ce raidit. Elle le frotta vigoureusement avec du savon. L'eau du baquet avait pris une teinte chocolatée peu ragoûtante et Ariandreau grelottait violemment. « Voilà, tu commences à ressembler à un vrai petit garçon, dit Lunabel en aspergeant à nouveau la tête de l'enfant. Tu sais... il faut que tu comprennes que ton père n'a pas toujours été ainsi. Autrefois, avant ta naissance, c'était un ébéniste dont le savoir-faire et le tour de main étaient réputés dans toute la région. Les familles les plus riches et toute la noblesse des environs venaient lui commander des meubles. Tu vois ce vaisselier là-bas ?
– Oui, maman.
– Et bien c'est l’œuvre de ton père. Vois comme les pieds sont bien tournés et comme les portes sont finement marquetées. Il allait lui-même choisir ses essences et il pouvait passer toute une journée dans la forêt à choisir l'arbre qu'il utiliserait. Il n'aime pas parler de ce temps-là, parce que ça le fait souffrir, mais si un accident ne l'avait pas privé de trois de ses doigts, je gage qu'on aurait fini par trouver ses réalisations jusqu'à la cour du roi ! C'est après ça qu'il a commencé à changer et à devenir celui que tu connais. Avant, c'était un homme irritable et bourru, mais c'était un homme bon, au fond. C'est cet homme que j'ai épousé. Maintenant... »
Lunabel semblait avoir oublié qu'elle parlait à son fils, et ce dithyrambe paraissait destiné à se convaincre elle-même qu'il subsistait encore quelque espoir de voir son homme redevenir ce qu'il était. Elle eût mieux fait de s'appuyer sur l'adage qui dit que le fer, une fois qu'il est corrodé par la rouille, ne redevient jamais du fer.
« Comme il ne pouvait plus exercer le métier qu'il aimait par dessus tout et qu'il se sentait inutile et diminué, Daniel a commencé de tomber dans l'excès de boisson. Au début, il n'allait que de temps en temps s'enivrer à la Halte Courtoise, et puis, il a fini par y aller tous les jours et à y passer le plus clair de son temps. C'est l'alcool qui le rend violent. Ça, oui, il a toujours eu le vin mauvais. Il souffre, Ariandreau. Mais je sais que l'homme que j'ai connu est toujours là, quelque part. Peut-être qu'à force de patience et de persuasion, j'arriverai à le faire revenir ? Oh, ne blâme pas ton père, mon chéri. Les véritables responsables de sa déchéance sont ces marchands de vin et de bière, et les taverniers qui profitent du malheur et de la faiblesse humaine. Ah, je voudrais bien que le Magistère fasse ce qu'il a promis : qu'il interdise l'alcool dans tout Ravelante. C'est là le poison du malin pour pervertir les esprits instables. Le poison qui rend lézards les hommes les plus vaillants et qui transforme en loup le plus doux des agneaux. »
Ariandreau avait quelques difficultés à imaginer son père en doux agneau, mais enfin, si sa chère maman le décrivait ainsi, ce devait être ainsi qu'il était autrefois. Comme tous les petits garçons de son âge, il était amoureux de sa mère et prenait tout ce qui sortait de sa bouche comme la vérité universelle et irréfragable qui régissait l'univers.
Lunabel sécha son petit et emmaillota tendrement son corps malingre dans un linge. Ce faisant, sa main effleura le front mouillé et glacé du garçonnet. Ariandreau bascula violemment la tête en arrière, ainsi qu'un coup violent lui avait été porté, et une avalanche de son et d'images se déversa sous son crâne, emplissant tous les recoins de son esprit de telle sorte que sa propre pensée fut pour un instant submergée, abolie.
Il vit son père, plus jeune de quelques années, les tempes pas encore semées du sel et du poivre de l'âge mûr, les joues moins ombreuses, dans une scène tristement familière : l'homme tenait le compte de ses griefs et couvrait d'injures Lunabel, au travers des yeux desquels il voyait. Non seulement Ariandreau ne pouvait contrôler ses gestes, mais il ne pouvait choisir ce qu'il regardait. Il était tout entier spectateur.
D'un petit berceau à barreaux, posé là où il y avait désormais le gros vaisselier, émanaient les cris d'un nourrisson, des braillements si énergiques que les vociférations de Daniel Halguevair étaient à peine perceptibles.
« Quand cette maudite engeance va t-elle donc arrêter de pousser du cor ? J'en peux p'us ! Je m'entends plus penser !
– Il fait ses dents, Daniel. Ce n'est qu'un mauvais moment à passer, dit Lunabel d'une voix égrotante.
– Un très long moment... Diantre, s'il ne s'arrête pas... je le jure devant les Commensaux, je l'étrangle... je lui casse les reins !... Peuh, si tu prenais moins ce marmot au sein, il nous casserait moins les oreilles avec ses jérémiades. »
Daniel se pencha sur le lit et hurla : « Vas-tu te taire, malheur de mes os ? Oui ! malheur ! Depuis qu'il est arrivé dans l'monde, ce moutard-là, les malheurs s'enchaînent. Ah, pauvre folle, cria Halguevair à son épouse, l'avorton ne te dévorait pas le ventre depuis deux mois qu'une série de catastrophes s'abattait sur nous ! Dis le contraire ?! »
Ses cris eurent pour effet de redoubler d'intensité ceux du bébé. Le nourrisson vagissait, terrorisé par l'être énorme rayonnant de violence penché sur lui, et qu'il ne savait point encore être son père. Soudain, les yeux injectés de sang, Daniel Halguevair saisit son fils, le tenant à bout de bras, puis il le secoua plusieurs fois en hurlant. Lunabel ajouta sa voix à cette cacophonie et se précipita vers son mari. « Laisse-le, tu es devenu fou ! Daniel ! » Mais Halguevair restait sourd à ces supplications. Les pleurs de sa femme ne firent que porter la fureur du père à son paroxysme. Il lui donna un violent coup de coude au plexus et, le souffle coupé, la couturière chuta à terre. Ariandreau ressentit la douleur cuisante au coccyx qu'avait éprouvé sa mère en tombant. Les yeux de son père se posèrent dans les siens, ou plutôt dans ceux de sa mère, et il y vit quelque chose qu'il avait déjà observé plusieurs fois : l'indicible plaisir que l'ancien ébéniste éprouvait à provoquer la souffrance et l'humiliation chez autrui. C'était le mal, oui, rien d'autre que le mal ordinaire, qui brûlait derrière ces prunelles, nonobstant ce que pouvait dire Lunabel pour tempérer les frasques de Daniel, et s'il y avait eu quelque chose de bon chez cet homme – son père –, cela avait déjà fondu dans un bouillon de méchanceté à cette époque.
Dans un accès de rage, Daniel voulut placer l'enfant dans les bras de sa mère. « Tiens, prends ton chiard, et bouche lui la gorge avec une mamelle, puisse t-il s'étouffer avec et que je ne l'entende plus ! » Cependant, le bonhomme était passablement éméché (il lui manquait déjà ses trois doigts) ; il trébucha sur sa femme et dans un mouvement ralenti par le truchement de la mémoire de Lunabel, il tomba en avant telle une feuille d'arbre se décrochant d'une branche. Ariandreau vit le père écraser de tout son poids le nourrisson. La petite jambe du bébé céda comme un fétu de paille et à ce moment précis, par dessus un gouffre de plusieurs années, une atroce douleur vrilla la jambe malade du petit garçon de huit ans.
Ce fut cette douleur, sans doute, qui le tira de sa transe. Il émergea du rêve éveillé dans lequel il était plongé et inspira à pleins poumons, de grandes goulées d'air, à la manière d'un naufragé qui perce la surface de l'eau après une longue apnée.
« Mon chéri, que se passe t-il ? » s'inquiéta Lunabel en attirant la tête fraîche de son petit contre elle.
Le premier réflexe d'Ariandreau fut de se dégager de son étreinte.
« Lâche-moi ! s'écria t-il, et plus tard, il regretta amèrement d'avoir dit cela, comme cela.
– Mais voyons, Ariandreau, parle-moi ! Qu'as-tu ? »
Il hésita à lui révéler ce dont il croyait avoir été le témoin involontaire, et, après un instant de réflexion, il jugea qu'il était inutile de causer à sa mère plus de tracas. La scène qui s'était déroulée par ses yeux avait-elle quelques fondements de vérité ? Tout cela avait-il vraiment eu lieu ? Et si oui, si ce n'était point le produit de son imagination, comment expliquer qu'il ait eu accès à des souvenirs dans lesquels il ne faisait que figurer, alors qu'il ne marchait ni ne parlait encore ? Ces questions, plus quelques unes liées à ses démêlés avec le seigneur Souron, tourbillonnaient si vite dans sa tête qu'il n'entendait plus celles dont le pressaient sa mère.
Il ne savait quoi penser d'elle. Elle lui avait toujours affirmé que sa mauvaise jambe était consécutive à une infirmité de naissance. Cependant ce qu'il avait vu, entendu et ressenti, contredisait formellement cette hypothèse. Il n'avait pas trois mois lorsque sa brute de père lui avait proprement cassé la jambe. Sans doute les os s'étaient-ils mal ressoudés. Il en garderait toute sa vie les séquelles.
Plongé dans de noires pensées, Ariandreau se ferma alors complètement à l'échange et Lunabel ne put en tirer un son jusqu'au dîner.