Le cheveu étrangleur
Moi, tu me connais, je suis un grand romantique. C'est juste que j'ai pas le romantisme conventionnel, placé au même endroit que tout le monde. Les gondoles à Venise, les promenades en bord de plage, les dîners aux chandelles, les pétales de rose semés jusqu'au stand de tir, tout le tremblement, ça me fait royalement chier... Non, moi, ce qui m'émeut, qui me fait tourner flaque, ce sont les petites choses qui me rappellent à l'être aimé. Comme par exemple, lorsque je me lève et que je sors prendre l'air à mon engin de terrassement, et que je trouve un des longs cheveux appartenant à ma dulcinée, lascivement entortillé autour de ma bite. Parfois, trois ou quatre jours après qu'on ne se soit vus. Moi, ça me chavire ces choses-là. Ça me tire des larmes.
Comme, hormis mes aventures extra-conjugales bien sûr, je ne peux rien lui cacher, je me suis confié à elle. Ah ! elle a tué le romanesque qui naissait en moi ! J'ai vu l'horreur et la stupéfaction se peindre sur son minois. "Ah ! mais bg frr, faut pas rigoler avec ça ! qu'elle me fait. Tu connais donc pas le syndrome du Tourniquet ?"
Je connaissais pas... J'ai l'air, comme ça, d'un puits de science auprès duquel on a envie de s'abreuver, mais je sais pas tout. En mécanique quantique, par exemple, j'ai des lacunes. Parfois, les candidats de Question pour un champion trouvent la réponse avant moi. Pas souvent.
Qu'est-ce qui allait donc me tomber sur la gueule - ou la bite en l’occurrence ?
Je ne la crus pas tout d'abord, quand elle m'expliqua. Il fallut que Gougoule, tel Salomon, nous départage. Le syndrome du Tourniquet, mon pote, c'est le cauchemar des mamans. Il s'agit d'une nécrose des orteils des bébés, heureusement assez rare, causée par les cheveux de leur mère - ou papa si c'est un métalleux - enroulés autour de leurs salsifis. On a recensé des cas de nourrissons qu'il a fallu amputer de doigts de pied parce qu'un malheureux cheveu leur avait coupé la circulation sanguine.
Tu vois pas que je me lève avec la bite bleue comme celle d'un schtroumpf ? pendant entre mes cuisses comme un fruit pourri dans l'arbre ? Y aurait plus qu'à me la couper et à la donner à manger au chien ! A tout le foutu équipage de chiens de traîneaux ? Tragédie ! Tournicoti, tournicoton ! Tourniquet ! Oui, obligé de faire pipi comme une fille, à m'essuyer la goutte avec du faf à train. Ma chérie et son cheveu constricteur seraient alors les instruments de ma perte ! On s'imagine pas comment les petits grains de sable parviennent à enrayer les grosses machines !
C'est malin, elle m'a mis les foies, je me scrute désormais l'entrejambe à la loupe du matin au soir. Faut pas rigoler avec les hypocondriaques.