La mécanique des fluides
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Bangeourre.
Il n'y a pas très longtemps, j'ai déménagé. Comme il y avait deux semaines entre la date où je quittais mon logement et celle où j'emménageais dans le suivant, j'ai entreposé mes affaires dans un garage.
Riche idée... quand on est quelqu'un d'organisé. Le jour où j'emménageai dans mon nouvel appartement, on s'est fadé à peu près tout le mobilier avec mon daron. Bon, ça va, j'ai pas grand chose, je vis un peu à la Spartiate ; une PS4, une liseuse, un ordinateur et un matelas où me livrer à des activités plus ou moins sportives, et je peux affronter la grisaille quotidienne sans risquer la dépression nerveuse.
Je possède tout de même un réfrigérateur-congélateur. Avec mon père, on dit à la une ! à la deux ! et on bascule le truc pour le fourrer dans le camion. Là, l'horreur. L'horreur olfactive. Une agression des sinus. Un jus marronnasse suinte à travers les joints du petit congélateur surplombant le frigo. J'en ai plein les mains. Je hume. Ah ! Mal m'en a pris. Ca sent le charnier rwandais, là-dedans ! La mort ! La couche hygiénique qui a macéré par ce joli temps de canicule ! Le vestiaire exclusivement fréquenté par des roux !...
J'en ai les cannes qui flagellent, ma gorge se noue, vous, ils, mes poumons protestent, mon estomac révulse, me remonte à la luette ! Mon père en loufe, se tapit au fond du camion tel un animal acculé. Heureusement, il est fragile de l'estomac mais pas du coeur.
Que s'est-il passé ? Hé ! pardi, c'est le produit de mon inconséquence. J'ai oublié de vider le congélateur. J'ouvre et c'est comme si je déverrouillais le tombeau d'un zigue décédé depuis huit mois. Une poche de petit pois trempe dans un liquide poisseux et pestilentiel, plus dégueulasse que les eaux du Gange. Ce liquide, c'est ce qui reste d'une daube amoureusement mitonnée et oubliée en plein mois de juin, qui s'est lentement et sûrement transformée en deux semaines en bouillon de culture, en bombe bactériologique ! Lâchez ça sur Daesh, et c'est gaaaagné.
Voilà ce que sentiraient les gens décédés qu'on enterre au bout d'une semaine, si on ne les chargeait pas de tout une liste de fluides d'embaumement.
La pourriture.
Depuis, malgré plusieurs nettoyages au vinaigre blanc, l'odeur s'accroche aux parois du congélateur comme la violence à l'Islam. Impossible de la déloger. Les glaçons s'enrichissent d'un petit fumet qui apporte au Cognac ou au Whisky une petite touche carnée à laquelle ma foi, on s'habitue.
Ah ! dis-donc, j'imagine pas comment ça aurait coincé chez les époux Courjault, si leur congélo avait été victime d'une panne EDF !