Améliorer son transit intellectuel.
Bangeourre.
L'écriture, ce n'est rien d'autre que peindre des scènes mouvantes avec des mots. C'est beau à chialer ce que je viens d'écrire, hein ? On dirait presque du Paulo Coehlo, sans le baratin cosmique ! Je m'en vais envoyer un manuscrit à l'éditeur de Bigard et Laurent Baffie, pour voir si des fois ça les intéresserait pas d'éditer un recueil de mes plus beaux aphorismes.
Oui, donc, l'écriture, ce n'est rien d'autre que peindre des scènes mouvantes avec des mots. Oh putain, mais c'est vraiment beau, attends, bouge pas, je vais m'auto-congratuler et je reviens.
Voilà. L'écriture, c'est peindre, avec des mots, je disais. De la même manière que pour progresser un dessinateur peut, doit entraîner sa main en croquant sur le vif ce qui passe devant son regard, l'aspirant écrivain peut pratiquer le même genre d'exercice en substituant au crayon et au graphite, le stylo et la pensée. Ah mais c'est que j'vais faire dans le distique élégiaque bientôt ! T'as pas envie de m'imprimer en creux sur feuille d'or, tout à coup ? Sur vélin à tout le moins ! Non, franchement, c'est pas sur aufeminin.com que tu liras des trucs si profonds !
Et donc, ma couille, si je puis me permettre, ta prose poussive se trouvera ranéssérée, rassénérée... -- merdave, gougueule viens à mon secours -- ta prose poussive se trouvera rassérénée si tu te livres régulièrement à l'exercice suivant, auquel se livre ton serviteur : prends l'habitude, chaque fois que le cœur t'en dit (moi ce qui me sert de cœur est au fond de mon slip), de croquer par le verbe les scènes qui se déroulent devant toi. Tu peux faire ça simplement, dans ta tête, ou noter sur un carnet, sur une nappe en papier au restaurant, sur un coin de papier torche-cul (vierge de préférence).
Par exemple, tu es assis en terrasse d'un bar en train de siroter un demi-pêche, et une greluche court-vêtue passe devant toi avec un clébard en laisse. Pas de quoi écrire un livre. On s'en tape ; croque cette passagère par le mot, le plus instantanément possible. Essaie de rendre ça excitant. Invente, brode, enjolive, tu fais pas du journalisme, putain, t'es un romancier qui voit l'ignominie là où personne ne la voit et discerne le beau sous la crasse. Du genre :
"Au coin de la rue apparut une jeune fille blonde à la beauté lumineuse. Elle marchait d'un pas guilleret, sautillant entre les étrons canins qui jonchaient les trottoirs de Cognac City, et parfois, sans qu'elle parût s'en apercevoir, l'air taquin et salé de la mer soulevait sa jupe et découvrait de fines guipures. Un lévrier, un lévrier d'un embonpoint improbable pour cette race de coureurs, tirait sur la laisse qu'elle avait entourée trois fois autour de sa main. Elle fila sur la place, telle une brise légère et sucrée, ignorant que la flèche de Cupidon venait de s'abattre sur le libidineux écrivain raté qui consommait une bière éventée à la terrasse du Papaoutai (je cherchais un nom de bar, y a que ça qui m'es venu)"
T'as saisi l'idée ? Voilà, tu viens de donner quelques impulsions à la Pompe à Inspiration, organe essentiel de l'écrivain qui, si elle s'arrête la pompe, aboutit à la page blanche ou pire, PIRE, PIRE : à la bluette Marc Léviathique. J'appelle ce genre d'exercice pratique "les dragées Fuca de l'inspiration". Cela me permet de garder un transit sain et, quand je suis assis sur mon trône de simili-cuir, de déféquer par les doigts de la prose consistante, qui n'est point trop molle comme j'en lis beaucoup, sans trop avoir à forcer.
Je te le répète : écrire de façon romanesque, c'est peindre des scènes mouvantes avec des mots.