Les marroniers.

Chez TF1, on a la main verte, on a une tendresse pour le végétal. Déjà parce qu'on adore filmer des légumes sous serre, mais aussi parce qu'on a le recours à la technique du marronnier. Je te laisse chercher ce qu'est un marronnier en terme de journalisme.

Les journaux de TF1 en sont émaillés, de Janvier à Décembre. Aux premiers frimas commence le macabre décompte des SDF morts de froid (il faut croire que la vie de SDF n'est pénible qu'en cette période). On pressent dans la voix du présentateur l'envie de battre le record de l'année précédente.

Tous les ans, on interroge les mêmes lycéens acnéiques sur le sujet de philosophie du bac, puis on les retrouve un peu plus tard en train d'exulter ou de chialer dans le giron de leur mère après avoir eu les résultats. Chaque foutue année, on t'entretient avec un demi-sourire de connivence du beaujolais nouveau, dont ce cru a un léger goût de banane mais quand même est tout aussi dégueulasse que l'année précédente. On filme les vitrines de Noël, on voit des mères de famille remplir leur caddie de fournitures scolaires, des vacanciers sur l'autoroute coincés dans des bouchons mythologiques.

Tous les six mois se pose le même problème : le changement d'heure -- on gagne une heure ou on en perd une -- est-il préjudiciable à la santé de nos petites têtes blondes ? Moins sans doute que les émissions de TF1 ne sont préjudiciables à leur développement intellectuel.

Tu DOIS commencer à connaître ces images, toujours les mêmes, tournées au premier jour des soldes, de femmes qui se crêpent le chignon pour emporter le sac à main sacrifié à 70%.

Jean-Pierre Pernault, il aime ça les marronniers. Je l'imagine, l'homme-tronc préféré des français, se caresser le chinois pendant qu'il lance le sujet annuel sur la canicule. Il n'est pas inutile de te rappeler, français moyen que tu es, qu'il ne faut pas exposer ton petit corps effeuillé à la morsure du soleil avant 16 heures. Qu'en cas de fortes chaleurs, il faut boire trois litres d'eau par jour, et qu'en bon citoyen, il te faudrait violer la bouche édentée de ta voisine octogénaire pour l'obliger à s'hydrater. Que si tu oublies de tartiner ton chiard de crème anti-UV, tu sapes son capital santé et qu'il paiera ta négligence dans trente ans en développant un cancer de la peau.

Et donc ces marronniers balisent notre existence de voyeur bien réglée, comme autant d'évènements mineurs et rassurants. Pour un peu, on regrettera le jour où plus aucun clodo ne mourra de froid dans des sas de banques.

On notera le souci d'économie de TF1, et en fait de la plupart des journaux télévisés, qui plutôt que d'envoyer de vrais journalistes se faire enlever dans des pays en guerre (qu'on "libère ensuite avec nos impôts"... lu sur Facebook), préfère employer des stagiaires qui n'auront pas à sortir une couille du pays pour fabriquer du reportage insipide et donner au téléspectateur sa dose quotidienne d'information lénifiante.

Au revoir.