Sublimation, Bastien Pantalé
S'il y a bien quelque chose qui exige de la délicatesse en ce bas-monde, ce n'est pas annoncer au fraîchement gagnant de la super-cagnotte de la loterie nationale qu'il est atteint d'un cancer incurable. Ce n'est pas non plus annoncer à ses 200 employés qu'on a lancé un "plan de sauvegarde de l'emploi" (rires).
Non, s'il y a bien quelque chose qui exige de la délicatesse, c'est de chroniquer le bouquin d'un collègue auteur qui a apprécié votre travail, vous cite dans son bouquin et en plus donne votre nom à un de ses personnages. Quand, au surplus, il se trouve qu'on a quelques réserves sur le dit-bouquin, alors il faut user de toute la diplomatie que Dieu il a mis à l'intérieur de vous pour ne pas froisser un collègue...
J'avais adoré les deux premiers volets de la saga de science-fiction de Pantalé : Ascendance, bien qu'étant un peu hermétique à certains aspects un poil trop métaphysiques pour moi, qui suis un brave gars de la terre. J'y avais trouvé une profonde originalité, qualité première pour moi d'un livre, juste avant le style.
Pour son quatrième roman, l'auteur a choisi de s'aventurer dans le genre bien fourni mais toujours riche en filons du thriller. Il se trouve que le thriller est un des genres que j'apprécie le moins, même si je m'y suis un peu aventuré avec Magmat (pour mieux en démonter les codes dans la seconde partie). J'ai trop souvent, même en lisant les cadors comme Stephen King dont le Mr Mercedes est pour moi un de ses moins bons livres, l'impression de décortiquer une recette, une formule bien éprouvée. Je ne suis pour ainsi dire jamais surpris. J'ai malheureusement retrouvé tous les poncifs du thriller dans Sublimation : le psychopathe qu'un trauma a poussé vers le crime, les meurtres atroces, les scènes d'autopsies, le flic bourru mais intègre, le jeu de l'opinion publique sur l'enquête et la pression de la hiérarchie sur l'enquêteur... Bien souvent, j'ai eu le sentiment de lire le scénario d'une de ces séries américaines que je n'affectionne pas pour les raisons citées supra : Bones, les Experts, Esprits criminels, cetera.
J'ai également noté quelques invraisemblances, et attention je pose ici une balise <SPOILER>, ne lis donc surtout pas la suite si tu n'as pas encore lu ce bouquin. Les flics possèdent l'identité et le visage du frère jumeau du Sculpteur, or plutôt que le diffuser dans tous les commissariats ou de lancer un appel à témoins, ils se contentent d'attendre que le tueur se plante et de miser leurs billes sur des séances d'hypnose. Puis, une fois qu'ils ont localisé l'ennemi public numéro 1, ils envoient seulement deux flicaillons fouiner chez lui plutôt que d'envoyer les gars du RAID. Pas très réaliste à mon sens. <FIN DU SPOILER>
Je n'émettrai aucun jugement de valeur en revanche sur la fin du roman dont la morale peut faire grincer des dents ; c'est pourtant lors de ces ultimes instants de lecture que j'ai enfin été surpris. Les écrivains possèdent une licence qui les place au-delà du bien et du mal. Qu'il est bon quand ils l'utilisent.