Littérature et racolage.

Publié le par Leussain

Bangeourre.

Samedi dernier, je suis allé en bonne compagnie au salon du fantastique, à Paris, espace Champerret. En fait de fantastique, il n'y avait pas grand chose d'autre à voir que des déguisements ringards, des reproductions des épées du Seigneur des Anneaux, et des auteurs amateurs de littérature médiéval-fantastique et de science-fiction qui clabaudaient comme des harengères.

Impossible de s'approcher d'un étal de bouquins sans se faire littéralement agresser par l'auteur, transformé en vendeur de voiture d'occase pour l'évènement. Je n'avais pas le temps d'ouvrir un bouquin que celui ou celle qui l'avait commis me sautait sur le râble : "Profitez-en, vous avez l'auteur devant vous ?" qu'ils disaient. Sans blagues, t'es pas le boucher-charcutier d'en face venu prendre sa pause ?

Je tente de lire le quatrième de couverture et les premières lignes du roman, histoire de me faire une idée de l'histoire et du style (pour les quelques uns qui s'en soucient), mais l'autre ne me laisse pas tranquille. "J'ai essayé de créer un univers très original." Comme les deux-cent autres auteurs débutants ici présents !... Et blablabla, et blablabla, vas-y que j'essaie de te placer mon bouquin comme un produit d'assurance... Je lâche un "Bonne continuation" qui met fin à toutes les espérances de mon interlocuteur, et invariablement le sourire s'effondre, le visage devant moi se décompose, navré, jusqu'au prochain chaland. Gavé de tant de prétention, j'ai sauté d'un étal à l'autre, en ne m'arrêtant que lorsqu'on ne m'importunait pas dans ma lecture, sans jamais rien acheter, écœuré par tant de mercantilisme. Dommage, car j'ai tout de même pu découvrir quelques très bonnes choses, que je ne serais pas surpris de retrouver dans le circuit "classique" de la librairie dans quelques temps.

Plus que jamais, j'ai trouvé l'exercice de la dédicace et de la vente de la main à la main, dégradant, humiliant pour l'auteur, qui malheureusement n'a pas d'autres choix pour espérer être lu. Poussé par mon dabe, je dois participer à un salon du livre en mars prochain, et j'ai d'ores et déjà l'impression de me prostituer et de compromettre mon intégrité ; de me ravaler à l'état de bonimenteur de foire. Je ne sais pas me "vendre", et je ne saurais jamais, ce n'est pas mon métier. J'essaierai néanmoins de ne pas calquer mon attitude sur celle de ces auteurs, et de n'ouvrir la bouche que pour répondre aux questions que l'on voudra bien me poser.

En revanche, j'ai été assez impressionné par la qualité des couvertures de certains bouquins, pour la plupart bien plus attrayantes que l'œuvre qu'elles renfermaient.

En fait, j'ai presque été plus intéressé par le salon du livre ancien qui se tenait dans le même hall et qui proposait, à des prix exorbitants, des bouquins jaunis et des premières éditions de chefs d'œuvre, comme Voyage au Bout de la Nuit (100 euros) et de magnifiques reliures de Jules Verne, que j'aurais sans doute acheté si j'avais pu me le permettre. Fatalement, je dois être en train de virer vieux con, parce que plus j'avance, plus je suis attiré par les objets patinés, usés, reliques peut-être d'une époque moins médiocre. Tu vas voir que bientôt je vais me lever aux aurores le dimanche pour aller faire la tournée des brocantes !

Littérature et racolage.

Publié dans autour de l'écriture

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